La deuxième vie du Figaro Bénéteau 2
À retrouver dans le Guide Officiel de la Solitaire du Figaro 2018.
Rédigé par Frédéric Pelatan.
Vive la retraite
Sitôt qu’ils entreront dans le port de Saint-Gilles-de-Vie, là même où ils ont été conçus, les Figaro Bénéteau 2 entreront officiellement dans le monde merveilleux de la retraite. Avec quel avenir ?
C’est là, au 16, boulevard de la mer, à Saint-Gilles-de-Vie, qu’est installé le siège du Groupe Bénéteau. Avec ce retour au berceau, début septembre, une page de la navigation hauturière va se tourner, condamnant le Figaro Bénéteau 2 aux oubliettes.
Fin de l’histoire, merci pour tout, et bonne journée. Mais non, deux cents fois non ! Vive la retraite, vive la liberté, vive la diversité des choix, vive les vacances au soleil, vive les courses entre amis, vive le retour du confort à bord, vive la deuxième vie !
Honnêtement, comment condamner à disparaître un bateau si fiable, si endurant, et si performant compte tenu des spécificités de son dessin et des contraintes d’une jauge monotype ?
D’ailleurs, le marché ne s’y trompe pas, car déjà se bousculent les postulants. Ils viendront y chercher la robustesse et la performance, la simplicité de la mise en route et, tout compte fait, la modicité du prix dans un segment, celui de 10 mètres, où l’on atteint rapidement des budgets à six chiffres pour un bateau de course-croisière.
Si la course-croisière est le programme auquel l’acheteur compte dédier son futur Figaro Bénéteau 2, il faudra passer par la case chantier pour modifier les entrailles d’un bateau où la simplicité a toujours régné en maître.
Parce que, c’est bien connu, un marin n’a besoin pour vivre à bord que d’une frustre bannette et d’un réchaud pour faire bouillir de l’eau. La case chantier s’imposera également si l’envie du futur propriétaire est de dédier son bateau à la vitesse puisque, au bénéfice de l’égalité monotype et de la robustesse, le moteur d’un Figaro Bénéteau 2 est sciemment bridé. « On peut facilement gagner quelques nœuds, reconnaît Eric Péron, qui a déjà revendu le sien à un Tropézien. I l faudra retirer les ballasts, l’alléger un peu, ce qui sera facile, et pourquoi pas rajouter une ou deux voiles, voire un bout-dehors ; ce n’est pas compliqué de faire avancer ce bateau encore mieux qu’il le fait en mode Figaro ».
La Course au bon handicap
Pour assurer la sécurité des marins du circuit, le Figaro Bénéteau 2 a été volontairement designé pour ne pas exprimer tout son potentiel. Peu importe en réalité la performance pure, elle n’est pas cruciale dans la course en monotype. Ce qui compte, en revanche, c’est d’être conforme à la règle.
Dans sa deuxième vie, le Figaro 2 ne sera plus jaugé comme un monotype, mais il devra répondre à des règles de classe ou à des jauges comme celle de l’IRC, système franco-britannique de jauge géré par le très british Royal Ocean Racing Club, le RORC, ainsi que par la très français UNCL, l’Union Nationale de la Course au Large, et reconnu par la Fédération international, World Sailing. « L’IRC handicape différentes conceptions de quillards leur permettant de courir ensemble, avec équité », dit l’UNCL.
Le coefficient est basé sur les mesures physiques du bateau, pas ses performances.
Il en résulte un correcteur de temps, opposable partout à travers la planète. Cela s’appelle le rating ou TCC, qui court de 0,750 à 1,900. Plus le TCC est élevé, plus la vitesse potentielle du bateau est élevée.
À titre d’exemple, Alain Gautier a préparé son Figaro Bénéteau 2 pour faire descendre son rating de 1,080 à 1,046 avant de le mettre entre les mains d’Olivier Monin et Aymeric Belloir pour la transquadra 2017-2018. Et ça marche ! Vainqueurs de la deuxième étape, entre Madère et Le Marin (Martinique). Les deux ont remporté la Transquadra en temps compensé, le cœur battant des courses IRC. Déjà, la FFVoile a attribué à un certain nombre de Figaro Bénéteau 2 d’un rating de 0,9550, à peu de chose près.
Bientôt superstars
Mico Bolo s’attend à voir des Figaro Bénéteau 2 dans les courses qu’il dirige (Transquadra, Course des îles…) dans un avenir proche. « Ce sont, dit le directeur de course, des bateaux très bons au portant, surtout dans la brise, pas chers, rapides et pas difficiles à prendre en main. Pour entrer dans le circuit des Transquadra, il faut soigner le rating, mais Alain Gautier a montré la voie. Je pense qu’il faudra bricoler le bateau comme il l’a fait, revoir un peu le gréement, et ces bateaux seront tout à fait capables de bien figurer… à condition de bien le barrer ».
Bien barrer, c’est aussi ce que pense Guillaume Farsy. Skipper et préparateur de renom, il en a vu quelques-uns, des FigBen2 lui passer entre les mains. Il sait que ces bateaux sont attendus et redoutés sur la Transquadra. « Le rating sera élevé, dit Guillaume, mais comme c’est un bateau qui va vite, c’est un peu normal. Il faudra se battre pour gagner, mais n’est-ce pas le principe de la régate ?
Pour courir en IRC, il sera possible de retirer le système de ballasts, dont l’usage est interdit en IRC.
Cela fera du poids en moins, qui va s’en plaindre ? Racheter un Figaro Bénéteau 2, c’est acheteur un bateau fiable et travaillé pendant des années, un jeu de voiles et des outils de navigation. Il n’y a que l’ordinateur à importer, parce que le skipper partira forcément avec les petits secrets qui ont fait sa carrière ».
Les Figaro Bénéteau 2 ont aussi le potentiel pour devenir un support idéal pour les régates d’entreprise et les opérations de team building.
Chez Kaori, l’agence d’événementiel et de relations publiques de Laurence et Jacques Caraës, le Figaro Bénéteau 2 est un des sujets de discussion du moment. « On a organisé ces régates pour des clients, et l’un d’eux, un ancien sponsor de Jacques (vainqueur entre autres de la première Transat AG2R Lorient – Saint Barth en 1992 avec un certain Michel Desjoyeaux, ndlr) a envie de réitérer. Pour les collaborateurs d’une entreprise, c’est toujours un moment à part que de former un équipage avec un skipper en devenir sur un bateau de course ».
L’avenir en 3D
Thibaud Ramond est un jeune ingénieur dans les matériaux, qui s’est fait une spécialité de l’aéronautique. Il n’avait pas terminé ses études qu’il se demandait ce que devenaient les bateaux de course en fin de règne. « Un jour, j’ai vu un IMOCA immobilisé sur le terre-plein du port de Port-la-forêt, et je me suis demandé ce qu’on pouvait faire de ces bateaux qui ne sont plus grâce. À l’étranger, où je suis parti apprendre autre chose, je suis tombé dans une boîte qui a un gros potentiel dans le refit, notamment des bateaux de course. Et tout est parti de là ». Tout, c’est-à-dire le concept qu’il a développé en parallèle de sa petite société, Dream Racer Boats, et qui propose aujourd’hui des plans en 3D de ce que peuvent devenir les Figaro Bénéteau 2.
Pour montrer ce que je suis capable de faire, j’ai redonné vie à un Figaro 1. Un bateau unique qui fait partie de l’histoire de la course au large française. Pour la deuxième génération, on sera prêt à proposer nos services dès que les propositions arriveront, sans doute début 2019.
On fera du sur-mesure pour s’adapter à ce que souhaitent les clients…
Le plus souvent, j’entends des compliments sur les Figaro Bénéteau. Mais un reproche : c’est un bateau qui fait plaisir au skipper, mais pas au reste de la famille. L’important est sans doute de proposer un aménagement intérieur amélioré. Cela va permettre à une famille de partir tout un weekend avec plus de confort, et une perte de performance réduite.
Porté par la pépinière de Jean Le Cam, Finistère Mer Vent, Thibaud Ramond a décidé de vivre avec son temps. Ses projets prendront naissance en 3D . Cela permet de réduire considérablement la marge d’erreurs. Et se concrétiseront chez le client. « Mon atelier est mobile, afin d’aller à la rencontre du bateau, ce qui est finalement plus simple et pas plus compliqué à mettre en œuvre ».
Bateaux à vendre
Sur le site de la classe Figaro, la liste des vendeurs ressemble au classement d’une étape de la Solitaire. Entre Quimperlé et Cadix, ou entre Saint-Gilles-Croix-de-Vie et Kinsale. Erwan Tabarly annonce vendre son Armor Lux. Xavier Macaire se prévaut de vente son titre de champion de France de course au large Elite 2015. Team Vendée Formation est en vente également avec un argument masue : « Bateau n’ayant jamais talonné ». Anthony Marchand, Gildas Morvan veulent aussi céder le leur. Corentin Douguet ou Nicolas Jossier proposent en plus du coaching et une assistance à la prise en main. Cela aussi, c’est un plus indéniable.
Je suis convaincu que les Figaro plairont aux propriétaires. Dit Eric Péron, qui accompagne dans sa découverte le nouveau propriétaire de son bateau. Ils sont relativement faciles à mettre en route. Mais ils restent plus compliqués) faire avancer à 100 % de leur potentiel. C’est pour cela qu’on a passé autant d’heures à s’entrainer dessus ».
Le cœur composite
Tous n’auront pas résisté au temps qui passe, certains ont disparu. Mais les Figaro Bénéteau 1 connaissent un regain de notoriété depuis quelques mois.
Un groupe Facebook, Figaro One, commence à devenir « the place to be » pour les propriétaires. Une petite classe, sise à Deauville, est donc en train de renaître doucement.
Malgré leur côté vintage et des performances un peu deçà, ces premiers de la classe retournent à l’eau. Même les Half tonners, des ancêtres au regard de l’évolution de la navigation depuis dix ans, ont toujours une place dans le cœur des marins. Paul Meilhat, 34 ans, qui court en IMOCA après être passé par la classe Figaro, n’est-il pas encore le propriétaire de Domino’s Pizza, half tonner de 1983 sur plan Humphreys, qu’il prête volontiers pour laisser d’autres skippers courir le tour du Finistère ? Manifestement, l’heure de la retraite n’a pas sonné pour les Fig Ben 2.
Le Figaro #10 converti en véritable Cruiser-Performant
Ce matin, le Figaro 1 #10 est sorti de la cabine peinture. Un nouveau procédé appliqué ! Dream Racer Boats souhaite innover à chaque étape. En passant de l’aménagement intérieur avec des matériaux éco-responsables et aux propriétés exceptionnels. À des chandeliers thermolaqués, jusqu’à l’application d’une peinture spécifique. Voici un avant goût du bateau en sorti de cabine :